LE TROTTOIR
J’arpente encore et encore ce trottoir qui me sépare de toi.
Ce trottoir sur lequel je te croise.
Il est là, entre toi et moi, ce trottoir.
Cette frontière, zone frontalière avec toi.
Ce trottoir, lui qui détient le possible
de ma rencontre avec toi, ou pas.
Nulle part ailleurs que sur ce trottoir ?
Ailleurs que sur ce rectangle de goudron
et de pierre qui me sépare de toi ?
Quelques centimètres de goudron
et de pierre sur lesquels tout a basculé.
Enfin, cetrottoir et l’autre,… son jumeau, semblable,
linéaire, parallèle à l’autre,
de l’autre côté de la rue,
de part et d’autre de la chaussée.
Parfois, toi ou moi,
descendons sur la chaussée,
dans un équilibre précaire,
équilibre entre chaussée et trottoir.
Quelques centimètres,
juste quelques centimètres ….
Oui, sur ce trottoir et nulle part ailleurs,
je guette ces quelques centimètres
du possible de ma rencontre avec toi.
Un sentiment pour toi a grandi
à la frange de ce trottoir.
Je crois même que c’est le jour
où tu m’as amené à prendre conscience de la chaussée
que j’ai réalisé que c’était toi.
C’était seulement avec toi qu’une voie existait.
En équilibre sur la zone frontière de ce trottoir
et de la chaussée, plus bas.
Aller jusqu’aux bords entre la chaussée et le trottoir,
dans cette zone frontalière, entre toi et moi.
Aller jusqu’aux abords du trottoir,
se libérer de la chaussée,
s’en libérer pour aller au-delà….
Un matin, tout a défailli sur ce trottoir.
Tu m’as amenée sur sa frontière
et j’ai perdu l’équilibre.
Tu t’es avancé plus près de moi.
J’ai perdu l’équilibre,
je suis tombée, amoureuse.
Mais le pis fut cet autre matin où
je découvris les limites du temps.
Le temps passait
et tu n’étais pas là, plus là.
J’arpentais ce trottoir, m’avançais toujours plus près
de la zone frontière, prête à …
Elle est devenue ma zone d’errance.
Et puis vint la nuit…. Une nuit moite.
Fenêtre ouverte, je pensai, je rêvai….
Là, plus bas, s’étirent la rue, le trottoir,
la chaussée, le goudron, la rue, …
Et la chaude nuit donnait des gouttes de sueur à l’asphalte.