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AGNES GUYENNON

1 février 2024

PRESENTATION

PRESENTATION
« Lorsque commencent à déferler à l’intérieur de moi les mots, il y a un mouvement impétueux. Souvent, j’ai l’impression de vagues aux flux, aux reflux qui s’animent alors d’écriture, l’écume d’émotions, et dans les flots déferlent les images ». Voilà...
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30 septembre 2023

Fortaleza, San Juan, Puerto Rico

FORTALEZA

         En ce premier matin, en ce premier réveil sur l’île, il se sent exciter de voir avec le jour, sous le soleil, la Fortaleza.

         Il a plu jusqu’en ce matin et l’arc en ciel s’étire dans le ciel, colore l‘horizon comme surgissant des nuages.

         La ville somnole encore. Il longe la côte qui fait le tour de la Fortaleza, entre les murs de pierre de la forteresse et les rochers bordant le chemin, comme un rempart à l’océan. Il croise quelques joggeurs matinaux, mais surtout des chats. Des espaces sont aménagés discrètement tout le long pour que les félins se reposent, se mettent aux abris, mangent et boivent.  Parfois, ils se dressent en équilibre sur les parois des rochers, alors que l’océan frappe de ses vagues la pierre. Les chats ne s’en préoccupent que d’un œil ou d’une oreille, glissent entre les pierres ou s’endorment sur leur crête.

         Il savoure cet air marin tonique en ce matin et contemple cette étendue océanique. Lorsqu’au bout de la promenade qui contourne la forteresse, il arrive sur un chemin. Il devient de terre et grimpe vers l’intérieur de la forteresse ou se poursuit dans la verdure.

         Il tente celui qui pénètre sous le feuillage des arbres. Au-delà de l’auvent de verdure surgit une trouée vers le ciel.  L’océan en contrebas et un peu plus haut il découvre le mur qui protège le cimetière avec ses tombes anciennes, du temps des habitants de la forteresse.

         Il reste un moment le regard balayant l’océan, la verdure, le cimetière et au loin s’aperçoit qu’il y a comme un village accroché aux flancs de la forteresse avec des maisons très colorées.

         Du mur, il ne peut que retourner sur ses pas et monter en direction de la forteresse. Il découvre là une table de pierre et ses bancs. Il se pose un moment, boit de bonnes gorgées d’eau car il fait de plus en plus chaud.

         Le chemin de terre file vers les escaliers, enjambe un muret de pierre, et là s’étend en vallonnements, un grand espace de verdure à l’herbe rase, un espace offert aux vents.

         Le ciel devient noir, l’air frais, des bourrasques balayent tout sur leur passage. Et d’un seul  coup une pluie diluvienne. Il court comme tous ceux qui comme lui sont venus se promener, vers le grand porche du musée au bout de la plaine de verdure.

         Le temps de quelques minutes, tout s’arrête, le ciel se dégage des nuages, reprend ses nuances de bleu, le soleil éclate de tous ses rais. Et quelques minutes encore plus tard, plus aucune trace de la pluie diluvienne.

         Devant lui, les ruelles redescendent vers le port, bordées de maisons aux tons vifs, pas très hautes. Les pavés ont des effets d’un gris bleuté, lustré, petits et rectangulaires. Entre les pavés, parfois des herbes ont dressé leur houppette vers le ciel.  

         Il flâne et déambule, passe d’une ruelle à l’autre, admire les couleurs. Un bel effet de perspective au fond de ce qui semble une impasse. Le drapeau de l’île peint sur presque toute la façade, le reste d’un ton orangé éclatant.

         Plus loin, un mur clame un message qui invite à apposer les mains, laisser son empreinte, marquer ainsi sa lutte pour l’île Boricua. Si l’architecture est bien d’influence espagnole, l’identité est celle du peuple d’avant la conquête, boriquen, habitant de Boricua.

         Il remonte sur la butte en direction du fameux village tout de couleurs accroché aux flancs de la falaise, face à la mer. Il est ébahi quand, d’un seul coup, il voit une dame disparaître. Il s’approche et comprend que des petits escaliers permettent d’aller directement au cœur de ce village. D’ailleurs, en regardant sur le plan, il constate qu’il se trouve hors des murs de la forteresse.

         L’ouragan Maria a laissé béante des habitations, fenêtres ouvertes et nues sur un océan d’un bleu profond. Il y a les vestiges de destructions récentes et des peintures fraîches étirant des graffitis multicolores. Une résilience créative.

         Il regarde un groupe filmer un clip. C’est là, avant que l’ouragan ne détruise tant les lieux, que le Luis Fonsi tourna son clip Despacito, là à la Perla !

JOUR 2 SUITE SAN JUAN PERLA(8)JOUR 1 PERLA(48)

30 septembre 2023

LOIZA Puerto Rico

 LOIZA

         Il quitte le quartier coloré de la Fortaleza par le bus et traverse la ville. Juste avant l’aéroport, il change de bus, s’éloigne pour longer la côte.

         Voilà Loiza sur une rue longue, un village au profil américain, qui ressemble plus à une petite ville en campagne. Une route plus loin, le village devient plus authentique, plus coloré par des échoppes et des boutiques, les fruits, les légumes, un peu plus de verdure et moins de voiture. Des fresques toutes de couleurs vives illustrent le carnaval et les masques si étranges, la musique, la danse, les moments de la vie ici.

JOUR 5 LOIZA (4)

         Plus loin, un canapé est installé dans un jardin, des fauteuils, un tableau, qui invitent à se délasser. Lui, il poursuit son chemin vers le batey. Il trouve là Celele dans son atelier, porte et fenêtres ouvertes, à créer avec du papier, des coquilles, tout un univers de Vejiigantes en miniatures ou en grands, de noix de cocos peintes, des grands piques en écho à ceux de carnaval. Il s’arrête un moment ! Le batey ne résonne pas encore des tambours et de la danse. Il fait trop chaud, mais plus tard à la fraîcheur du soir, il y aura une fête ici.

         Les enfants sortent de l’école. Il reste un moment à contempler cet instant de la vie quotidienne. Là-bas, derrière les arbres et les palmiers s’étire l’océan.

         Au retour, il regarde Lula entrain de frire le manioc et qui le sert dans des feuilles de bananiers. Les odeurs, les saveurs, tout une tradition lointaine qui a gardé sa force de résistance depuis avant la conquête par les Espagnols puis par les Américains. D’ailleurs ici, on parle en espagnol, on vit avec des coutumes et des noms remontant aux indiens Taïnos.

         Cette fois, au retour, du bus, il voit, d’un côté l’océan, des sortes de guinguettes de bois fermées, et de l’autre des petites constructions, des sortes de bohio de bois et de palme.

         Comme un clin d’œil de cette escapade dans le village de Loiza, il s’arrête dans la rue de Loiza à San Juan. Il retrouve ce côté plus typique, plus authentique ; une vie plus de quartier, des petites boutiques dont une qui propose des potions, des plantes, un peu de magie, ….

         Par la calle Cacique, il rejoint la plage de sable fin et l’océan. Il a chaud, il n’aspire qu’à plonger dans cette eau d’écume et s’étendre ensuite sur le sable. Il sent la fatigue de la journée dans tous ses muscles. Il a beaucoup marché.

         Au retour, il passe par le parc de l’indien et retourne sur la calle Loiza. Du côté du quartier de Santurce, les murs sont couverts de fresques de street art, immenses. L’art à ciel ouvert est sur tout cet espace de la ville. Des styles, des motifs, il ouvre grand ses yeux !

JOUR 7 MARTIN PAR CALLE LOIZA SANTURCE(17)

         Lorsqu’il arrive dans le quartier coloré de la Fortaleza, la nuit est tombée. Il entend la musique, ce n’est pas celle de la bomba qui doit résonner sur le batey de Loiza mais de la salsa au bord de l’océan. Il se prend une malta bien fraîche et s’installe sur les marches.

Une journée caribéenne au nom de Loiza !

30 septembre 2023

BARACOA

BARACOA

         Vers la sortie de la ville, à droite, la route devient de plus en plus inclinée et s’élève sur la colline. Puis, c’est un chemin de terre rouge chargée de fer qui grimpe, bordé de bananiers, de maisons humbles en bois et en tôle. Le devant des maisons est balayé, les façades d’entrée ont souvent des petites balconnières de bouteilles en plastiques ou de boîtes de conserve d’où émergent des plantes vertes. Il émane de cet endroit tout en simplicité quelque chose de serein, à l’abri des palmes de vert tendre.

         Le chemin mène vers l’entrée de la grotte aux vestiges taïnos. Les Indiens qui accueillirent Christophe Colomb et furent disséminés par les conquérants espagnols. Une reconstitution met en scène des Indiens factices. La partie supérieure de la grotte s’ouvre sur la baie qu’il découvre entre les feuillages.

         Un arbre aux racines tortueuses et lisses s’entre mêlent en des motifs élaborés. Il en suit les méandres comme hypnotisés.

BARACOA A (47)

         En redescendant, il contourne la statue de Colomb regardant la mer et se dirige vers la plage de sable. Quelques personnes se promènent et mais personne n’est dans cette eau pourtant si chaude. Le soleil est haut dans le ciel. Il fait comme la plupart des gens ici, il rentre dans la mer tout habillé et s’immerge avec l’écume des vagues. Aux abords de pierre et de sable, des raisiniers se courbent vers le sol.

         La plage rejoint un ruisseau, le Miel qui se jette dans la mer. Un pont tout bringuebalant de planche de bois usé et de corde. Il s’incurve dangereusement vers l’eau. Là, un village de pêcheurs où se mêlent des maisons de bois et de tôle, et surtout de toit de palme, est bien silencieux.

         Lorsqu’il revient alors vers la petite ville, les statues, les décors, les fresques rappellent et prolongent la mémoire de cette ancienne présence taïna. La saveur des cucuruchos de noix de coco, goyave, …, ne fait que renforcer cette sensation douce et mélancolique.

         Une suavité des lieux donne envie à la contemplation et au bercement doux de la vie ici. Un rythme un peu hors du temps dans cette pointe orientale de l’île.

         Il s’approche de la statue de Hatuey, l’Indien qui tint tête aux Conquistadores. Brûlé vif car il voulait défendre l’île et son peuple. Peuple pacifique face à une tyrannie espagnole destructrice.

         Il dirige son regard vers la mer puis vers l’indien figé dans sa geste. Mais la transmission a été la plus forte, la mémoire a su tisser les trames des valeurs de ces Indiens, les Taïnos ici dans cette pointe orientale plus qu’ailleurs.

BARACOA A (55)

         Il suce son doigt humide imbibé des douces saveurs du cucurucho.

BARACOA A (34)

30 septembre 2023

Matanzas

Matanzas

         De bon matin, lorsqu’il se glisse encore un peu de fraîcheur, le voilà parti à grimper la petite colline de Montserrate. Devant lui, un jeune homme pousse son vélo, marchant d’un bon pas. Au long de la montée, les habitants ont accroché les cages avec leurs oiseaux. La ville est encore calme en ce matin.

         Lorsque dans un virage, il voit sur le guidon du vélo, un rapace. Il est un peu loin pour savoir quelle sorte de rapace, voire même doute de ce qu’il vient de voir.

         Il accélère le pas afin de s’en rapprocher le plus possible. Et en effet s’est bien un rapace, serres agrippées sur le guidon. Une fois à Montserrate, il maintient l’oiseau sur son poignet. Ensuite, il installe tout un parcours avec des oiseaux morts pour l’entraîner à chasser et ramener ses proies.

MATANZAS (14)

         La vallée du Yumuri s’étend au loin et les urubus tournoient lentement et de plus en plus nombreux autour de lui et au-dessus de la colline de Simpson. Il fredonne le danzon, Las alturas de Simpson.

         Il se demande si la présence du rapace du garçon les attire ou s’ils viennent se réfugier là naturellement. En tout cas, ils n’approchent pas des cages aux oiseaux.

         Il descend la colline les yeux hypnotisés par la vue sur la baie. La mer et le ciel semble s’unir à l’horizon et se fondre dans une étreinte de bleutés.

MATANZAS (22)

         Il traverse le fleuve Yumuri puis le San Juan pour rejoindre la Casa de la Cultura. Les vacances ont laissé le bâtiment en proie à une ambiance langoureuse. En haut des escaliers, Dizan est là. Ils s’installent au milieu du couloir car il fait chaud. Toutes  les fenêtres sont ouvertes, l’air circule et les oiseaux en profitent pour passer et repasser. Un jeu semble les animer dans ces va et vient au-dessus de leurs têtes. Nous commençons l’apprentissage du güiro. Les oiseaux n’en arrêtent pas pour autant leur chahut. Se moqueraient-ils de lui, dans ses premiers pas en percussion ?

         Lors d’une pause, il monte sur un tabouret et regarde par les fenêtres. D’un côté, une esplanade avec des sièges attendant un spectacle à venir et de l’autre, la baie, l’océan miroitant.

         Le lendemain, il se dirige de l’autre côté du fleuve Yumuri. Il veut prendre le Hershey. Les fenêtres, les portes, tout est ouvert et laisse l’air s’engouffrer avec bonheur. Le train longe le Yumuri puis s’en éloigne. Il pénètre au milieu des terres dans une végétation luxuriante, lentement il file sur les rails. Il s’arrête fréquemment en des lieux qui paraissent déserts, parfois il y a un petit abri et rien tout autour que des routes de terres disparaissant dans le paysage, des hommes et des femmes surgissant comme de nulle part. Il y a pendant un bon moment peu d’habitation.

         Les gens ont des paniers, papotent ou laissent leur regard se perdre dans leur pensée.

Lorsque des flammèches le font bondir de son siège. Le train stoppe sur la voie.

         Les hommes viennent voir et cherchent des fils de métal aux abords des rails jusqu’aux buissons. Ils en ramassent et montent sur le toit ; ils mettent tout en œuvre pour que la caténaire se redresse et que le train redémarre.

         Mais, lorsque le train arrive à Jardines de Hershey. Tout le monde descend. Plus rien ne fonctionne. La bourgade est la plus dense qu’il ait vu au long du trajet. Les habitués ne se formalisent pas, il va y avoir une solution. Quand, ça c’est une autre question.

MATANZAS SF (8)MATANZAS (4)

         C’est un camion benne qui prend le relais. Hop, il grimpe dans la benne avec tout à chacun qui veut revenir à Matanzas. Et là, serrés les uns près des autres, l’équilibre précaire car aucune prise hormis sur les bords de la benne, les cheveux aux vents, de grands fous rire en éclats. Arrêts après arrêts la benne se vide et en se tenant enfin aux  rebords de métal, il discute avec les uns et les autres tout en admirant la mer au loin, heureux de retrouver Matanzas et la terre ferme.

MATANZAS SF (10)

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30 septembre 2023

Playa Anco, Trinidad, Cuba

Playa Ancon 

         La navette quitte la route et file lors sur une voie plus étroite qui devient chaotique par endroits après La Boca, la mer en filigrane à l’horizon.

         Quand le petit bus qui relie Trinidad à la Playa se gare et nous libère de l’emprise du métal où nous étions bien serrés.

         Voilà cette mer des Caraïbes tant convoitée. L’eau s’ourle avec douceur aux abords du sable fin, très fin. La température est telle que le corps s’acclimate très vite et n’aspire qu’à pénétrer ce bleu ondulé.

         Une végétation rampe, garnie de petites fleurs, entre sable et terre. Les palmiers s’élancent éparses.

         Il a oublié la sensation oppressante du trajet, juste il savoure le calme où se glisse la musique des flux et reflux langoureux des vagues et le crissement tout en finesse du sable sous son corps. Et le temps semble suspendu !

         Lorsque la lumière devient plus piquante et que les nuages noirs s’amoncellent sur l’horizon, il retourne alors à l’arrêt et s’abrite sous un flamboyant. Un lézard d’un vert et d’un bleu intenses se fige dans le mouvement, un clignement des yeux et hop poursuit son ascension plus haut sur la branche.

TRINIDAD (13)TRINIDAD S (26)

         Il commence à pleuvoir et la navette arrive enfin. Une fois au terminus, l’orage tropical est bel et bien là. Tout le monde descend et se met aux abris sous deux pas de portes assez larges. Des flots d’eau déroulent la pente vers d’autres ruelles juste en contre bas.

         Une chienne toute famélique arrive et se glisse au plus profond de l’abri. Elle vient de mettre bas et a son petit dans la gueule. Elle le dépose et le lèche.

         Nous, humains, coagulés sous l’abri, trempés, on les regarde, on n’ose plus bouger. Le petit semble inerte. Est-il encore en vie ? Cette question le traverse et reste en suspend sur la toile de son esprit, le regard rivé sur la chienne et son petit. Le temps lui semble long, sous fond des éclats sonores des éléments qui se déchaînent, de l’eau qui gronde dans sa course effrénée.

         Quand tout s’apaise, le petit a frémi et une expiration de soulagement libère sa poitrine.

Il vit, il essaye de trouver un équilibre fragile sur ses pattes. Le soleil revint.

         Les humains s’éparpillent et laissent là la chienne et son petit. Lui reprend le chemin dans le tumulte des hommes. Une heure plus tard, il n’y a aucune trace des flots dans les rues, des débordements impressionnants une heure plus tôt, et la chienne a disparu avec son petit.

Tout semble avoir été mirage et pourtant….

30 septembre 2023

3 RIVIERES

3 Rivières

         Au pied de la grande montagne enfin apaisée, le calme s’accompagnait de la douceur des alizées, de la langueur du flux et du reflux de l’océan.

         Il resta là un long moment le regard fixant l’horizon comme pour mémoriser l’instant ; chaque détail des ilots des Saintes se découpant sur le bleu outremer, la lumière rendant visible des détails de la terre au loin.

         Il savait que ce moment de grâce de la nature était une offrande de l’île. Combien les éléments pouvaient rugir de feu et de vent, pluie et ouragan, mer déchaînée, une violence de tous les éléments naturels fondants sombres sur les côtes et dans les terres. Combien ce moment pouvait être si fragile, un instant en suspens dans la lumière comme maintenant.

         Plus tard, il arriva à l’anse, cette anse où tant d’anciens avaient pu trouver la liberté ou périr là aux abords de la côte. A quelques brasses, à quelques roulis, le regard tendu vers cet impossible, le corps figé car ne sachant pas nager.

Combien d’espoirs en ces quelques mètres de nage, combien de ceux avortés à la vue des flots, combien de peur ou de colère, combien d’espérance abandonnée ?

         Il avait toujours une pensée pour tous ces inconnus qui échouèrent ici. Peut-être au fond, la croyance que par cette pensée il leur offrait une reconnaissance au travers du temps, une compassion à ces morts inconnus désespérés.

         Alors que tout près, dans un petit carbet, des roches dont l’une est gravée d’une femme qui semble donner la vie. Ironie de l’histoire, ironie des lieux, ironie de ce que les hommes n’ont pas transmis, parce que des Hommes n’ont pas su respecter d’autres Hommes.

         Au loin, le chemin est d’une pente qui semble vouloir s’agripper d’une seule levée au ciel. Tout en haut, des mangos juteux et savoureux qui parsèment la route et les herbes.

         C’est alors qu’il arrive au bassin de pierre où l’eau gargouille, s’étire sur toute l’étendue et glisse le long des parois avant de reprendre son chemin étroit entre les rochers. Roches grises, parfois creusées, gravées ou non. Mais là, sur l’une d’elle, se dressent des coquillages, pas n’importent quels coquillages, des conques de différentes tailles. Une offrande, une invitation à souffler un air mystérieux ?

         Plus au-dessus du bassin, le ruisseau qui court rapide avant de plonger bruyamment à l’intérieur. Il est bordé aussi de rochers gravés, de symboles, parfois la trace de l’usure du silex et de la pierre a creusé la roche. Il y a les histoires, il y a cette vie lointaine qui se raconte entre gravure et nature, dans ce lieu si particulier.

         Les fruits de rocouyer sont mûrs et il ne peut se retenir de presser les graines chargées de teinte écarlate entre ses doigts, que le jus couleur de sang marque sa peau. Recouvrir son corps de tracés, de sentir la matière sur sa chair rendre visible ce qui n’a pas besoin de mot.

         Combien de temps la matière va t’elle rester sur sa peau ? Va-t-elle s’écailler sous la chaleur ou la moiteur ?

         Mais l’appel du bassin le coupe dans ses pensées, l’appel de la sensation de fraîcheur sur tout son corps ; il rentre dans le bouillonnement des flots et s’adosse à une des parois.

BASSIN DE 3 RIVIERES (8)

         Il ferme les yeux un instant. Lorsqu’il les ouvre à nouveau, un pêcheur lui tend des sortes de petites lianes couvertes de petites feuilles vertes qui moussent en les frottant sur la peau.

         Il a alors l’étrange sensation de se purifier le corps et l’âme en des gestes anciens, comme en rituel venu de temps lointains.

TROIS RIVIERES (16)TROIS RIVIERES (19)

30 septembre 2023

Pointe Alègre

Pointe Alègre

         Il se leva aux aurores. Le jour pointait quand il arriva à la gare routière. La moiteur accompagnait le fond de l’air en ce matin déjà chaud. Le bus était peu rempli, mais toutes vitres ouvertes il prit la route. Quant il entendit deux coups secs résonnés. Une vieille dame avait toqué avec une pièce sur un des montants de métal du bus, mais d’autres, plus tard, le firent aussi sur le verre des vitres.

         Il fut le seul à descendre à son arrêt. Il suivit le chemin en direction de la mer et là, les mangues toutes justes tombées durant la nuit s’offraient à lui. Il en prit une bonne dizaine. Il se léchait par avance les babines de leur goût suave et de leur jus parfumé.

         La plage s’étirait entre mer, sable, arbustes de raisiniers et de palmiers. Lui et 2 autres personnes sur cette plage immense. En face un rocher pointant seul en pleine mer. La mer douce et chaude. Cette immensité pour son seul regard, les sensations des vagues sur son corps pour lui seul là dans la mer, un air léger pour adoucir la montée du soleil dans le ciel d’un outremer parfait.

POINTE ALLEGRE (11)

         Il resta un long moment seul avant de se diriger vers le sentier serpentant le long de la côte dans des sous-bois caribéens. Une sérénité protectrice et enveloppante émanait dans cet abri arboré ; La lumière scintillait entre les branches.

         A la sortie du sous-bois, le paysage se transformait en lande balayée par les vents, le soleil éclatant sur cette surface offerte d’herbe rase.

         La mer reprenait toute sa place dans le paysage. Et de gros rochers sombres se dressaient et formaient des escarpements. Doucement, il se rapprocha et ne bougea plus, à l’abri des rochers il observa les pélicans. Certains demeuraient figés et d’autres faisaient des va et vient entre la mer et les rochers, guettant et attrapant les poissons.

         Un petit garçon près de lui admirait de même le ballet des oiseaux.

         Doucement, il s’extirpa des blocs et retourna sur le sentier qui montait légèrement et s’ouvrit sur une grande lande face à la mer et au loin, des habitations d’un petit village. Des vaches paissaient le peu d’herbe encore verte. Une dame se promenait avec son chien gambadant de ci de là. Elle cueillait de grandes fleurs blanches odorantes dans des sortes de bosquets pour sa maison. Née ici, elle avait passée toute sa vie entre le village et la lande et n’aspirait qu’à y demeurer même une fois morte. D’admirer encore et encore l’océan à l’abri des fleurs blanches. Elle poursuivit sa promenade, le chien gambadant, tout deux s’éloignant doucement.

         Juste un peu en retrait, une petite mangrove aux palétuviers denses. Il admira les entrelacs des racines, cette connivence étrange entre les arbres, la clarté de l’écorce, les reflets des feuillages sur l’eau stagnante dans cet espace comme caché du regard des hommes.

         Il revint sur ses pas, le regard sur l’océan, il inspira une grande goulée d’air marin, de cet air qui balaye la lande. Dressé face à lui il expira et remercia ce jour ; son dernier jour ici sur l’île. Il imbiba sa mémoire du plus de détails possibles de ce qu’il voyait, ressentait.

         Il retourna sur la plage immense de sable fin. Les familles, les vacanciers étaient arrivés. Une faune fourmillait et chahutait.

         Il pénétra une dernière fois dans l’eau, chaude, caressé par les écumes blanches de l’océan, le regard rivé sur le rocher sombre pointant dans l’océan sur fond de ciel couleur d’outremer.

POINTE ALLEGRE (10)

30 septembre 2023

WOTTEN WAVEN

Wotten Waven

         Il est très tôt en ca matin et le soleil rayonne déjà fort. Non loin du jardin botanique, les bus patientent ; Ils sont venus des montagnes en remplissant le moindre espace de leur véhicule des habitants de la vallée venus travaillés ici en ville.

         Le minibus prend la direction de cette fameuse vallée qui est faite de vallées au cœur de la montagne recouverte d’une végétation luxuriante. On laisse les dernières maisons colorées et la route s’enfonce et grimpe de plus en plus, une route qui, très vite est devenue un vieux souvenir de macadam. Les murets entre ce que l’on peut appeler route et le vide végétal ont souvent disparu, des cratères et surtout des trouées ont même éventré l’asphalte en plaies béantes de l’ancien lit d’empierrement. Dans ce périple chaotique, le chauffeur serpente, habile, tant il connaît les routes des vallées et leurs dangers.

         Enfin, voici le village étiré le long de la route qui continue de grimper. Les poteaux électriques sont tous de guingois quand ce n’est pas à demi ou complètement affaissé, les câbles en équilibres ou à terre, coupés.

         Là, il pose son sac et repart sur le chemin qui mène aux chutes de Trafalgar. La lumière est belle et la chaleur supportable. L’eau ruisselle de partout, court et émerge de dessus comme de dessous la terre. D’un seul coup, il prend conscience que de nombreux crabes galopent de toutes leurs pattes sur les surfaces humides. Il fait moite.

WOTTON WAVEN (14)

         Il passe un deuxième village paisible avant d’entrer dans le parc qui protège les chutes. Deux chutes qui se réunissent dans un bassin naturel d’où jaillissent entre les bouillonnements d’eau, des rochers ;  A gauche le masculin, à droite la féminine. Il se rapproche par les escaliers de bois qui longent la paroi de pierre. Il pénètre toujours plus près. Luxuriance de cette nature fertile, des nuances de verts, des notes blanches fleuries, les oiseaux et les flots. Il prend une grande inspiration comme s’il pouvait en retenir dans un grand souffle d’air les odeurs, les sensations, à l’intérieur de lui.

         Il reste là encore un moment, il retient l’instant jusqu’à ce qu’il sente la piqûre des rayons du soleil. Il est plus de 13h. En chemin, le ciel change rapidement, des nuages viennent le protéger du soleil.

         Sur le retour, il y a des sources chaudes naturelles. Un petit pont de bois et des escaliers qui cheminent entre terre et roche, entre les cratères aux bouillons sonores d’eau ferrugineuse, aux couleurs improbables et à l’odeur acide. Ambiance d’autant plus étrange que le ciel est devenu gris.

         Il s’aperçoit que quelques marches mènent à un bassin ; un tuyau pour que l’eau ferrugineuse remplisse le bassin et d’un autre pour qu’elle s’évacue. L’eau est chaude. Les lieux sont déserts ; il est là comme seul au monde, à l’abri sous une bâche tendue qui fait auvent sur le bassin. Doucement il rentre dans l’eau quand il entend les gouttes de pluie clapoter sur la bâche. Il ressort assez vite de cette masse chaude et s’assoit sur le petit banc. Aux abris, seul dans cet étrange lieu il regarde et écoute cette nature respirer de toute sa force souveraine, maîtresse des éléments.

         La journée de travaille achevée, des hommes reviennent tout terreux au village. La pluie a cessé et ils sont tout sourire. L’atmosphère est à la détente et aux échanges.

         Il retrouve la maison. Il la découvre vraiment à ce moment là. Il y a le gaz mais pas de feu, un frigidaire, … mais pas de prise, ou des prises mais pas d’électricité. Il s’en moque.

WOTTEN WAVEN (1)

         Tout au fond, près du lit, il y a une porte, il ouvre et elle donne sur la vallée et les montagnes, le jardin juste en-dessous, les maisons basses en bois, les toits de taule qu’un habitant revisse.

         Le soleil est revenu et il se met là, face à cette luxuriante aux nuances dont les mots ne peuvent qu’être que des couleurs, le souvenir que dans  la force de l’instant. Quand le soir commence à décliner dans la vallée, le soleil s’embrase dans son coucher.

         Lui, épuisé, s’est endormi dans le filet protecteur de la moustiquaire.

         Mais, durant la nuit, la pluie, et surtout le vent s’est déchaîné. Une violence des éléments, de se sentir une paille fragile au cœur de la nature comme en furie aussi puissante qu’une colère qui rugit sur tous les contreforts des flancs des montagnes et s’engouffre dans les moindres méandres de la vallée. Il pensa aux pylônes en bois et aux câbles, il comprit mieux pourquoi. Il n’osait imaginer lorsque c’était l’ouragan qui sévissait dans ce lieu si beau. Il dormit très mal.

         Au matin, tout est redevenu calme, le soleil rayonnant dans un ciel chafouin. Il ouvre la porte et admire de tous ses sens la vallée. Il est temps de prendre le minibus avec les habitants qui descendent travailler dans la petite ville au bord de mer. Il se remplit au long du chemin jusqu’à ce qui n’y ait plus aucune possibilité d’accueillir à bord quiconque.

         Plus tard, sur le banc, face à l’océan il suit des yeux les petits crabes transparents disparaître sur les rochers imbibés d’eau salée. Il écrit comme pour conjurer le vent de cette nuit.

Le vent emportant

Le temps sur son passage

Jouait dans les arbres

De multiples sons

Autant que la nature

Offrit ici de feuillages

L’air rentre et sort

Avec une certaine force

A travers la grande pièce

La porte ouverte sur le vide

Etend la vue à l’horizon

D’un paysage de luxuriance

Dans la vallée de Wotten Waven.

WOTTON WAVEN (1)

30 septembre 2023

VERS

       Sur ce quai, embarcadère, tarmac du voyage, je t’attends.

Dans cette instance du départ ou de l’arrivée. Je t’attends.

Vertige de juste aller de ce point à cet autre

et que cet autre ne soit que le point de transition.

Je t’attends

Pour cette liberté de se sentir en partance ou en transit,

humain en migration, le temps du voyage.

Je t’attends.

 

Et te voilà. Nous pouvons enfin….

Mise en mouvement…..

Troublantes sensations de la vitesse qui est là

dans le reflet de la pupille de ton regard,

de toi en face de moi, de mon regard qui se perd

de l’autre côté de la glace, au-delà du paysage.

De ce paysage qui se fond dans le reflet

et que je vois à la fois par-delà la vitre.

L’extérieur s’anime, déchaîne les images, les paysages.

Succesions des forêts, des vallons, champs, troupeaux, maisons, …

Et le corps enfoncé dans le fauteuil comme si rien ne bougeait,

comme si l’extérieur était un film,

une animation et l’intérieur,

juste au repos, le corps bercé.

 

arc en ciel

 

Le temps se ressent à l’extérieur de tout son mouvement

et tout à la fois s’arrête sur toi et moi parlant,

caler, mollement, dans les fauteuils.

Savoir que tout à l’heure nous étions là bas,

et tout à l’heure nous serons là-bas, plus loin, si loin, …

L’espace n’est plus que ce sentiment que l’on lui donne.

Et plus la vitesse m’éloigne par les kilomètres,

plus l’espace et le temps se rejoignent dans un plus loin,

toujours plus loin.

 

arc en ciel
Jeu de l’homme, la femme, face au temps à l’espace… .

Le paysage change, se transforme, un ville, nouvelle… .

La lumière est rasante, le soleil ricoche sur le corps de métal.

Nous sommes arrivés. Nous sommes là, si loin de là-bas.

Il y a si peu de temps que …

Et nous avons quelques heures, là.

Vertige, le temps de réaliser que nous avons franchi les kilomètres

et que le temps s‘ouvre comme une brêche.    

Instinctivement, je renverse la tête en arrière,

je ferme les yeux, j’ hume les odeurs,

 je perçois chaque rayon de soleil de là.

Par-delà les sensations de brisures du temps et de l’espace,

l’humain, l’humaine se réjouie des sensations.

Et c’est parti. A être là, pleinement là.

Avec tout cet espace qui s’ouvre, à ces retrouvailles,

à ces découvertes, à ces rencontres.

 Etre dans l’instant, dans le temps, dans ce lieu.

Etre.

Car tout à l’heure, je te laisserai,

et je partirai à nouveau vers l’embarcadère,

 le tarmac, ce quai du départ.

Je reviendrai pour aller ailleurs, seul.

Je n’attendrai que ce train

qui m’emmène vers cet ailleurs.

 Vers cet ailleurs que je ne connais pas encore. …Vienne

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