CUBA 2013
Premier jour, ou plutôt premier soir.
Deux voitures, une dorée, une argentée, sœurs.
Elles s‘appellent Chevrolet 52 et 55.
Le coucher du soleil se profile au-delà des rues, des maisons,
de ce que je ne connais pas encore.
Un soleil rougeoyant.
Premiers pas à Cuba, à bord des deux sœurs.
Il fait chaud, la nuit est vite là.
Il fait chaud aussi dans l’accueil,
il fait chaud dans le cœur.
Premiers mots : « ne pas dire papaye.
Les mots ont des jeux déroutants.
Le fruit si bon et pas défendu, sauf,
ne pas dire, en tout cas, ici ! ».
Santiago La Gran Piedra
Sur la roche venue s’installer
on ne sait ni vraiment quand, ni vraiment comment,
le brouillard entoure le monolithe,
et la vue s’étend au loin derrière la masse brumeuse,
sauf en une enclâve de lumière, sur les flancs taillés de la montagne,
et laisse voir et admirer par delà les 452 marches plus bas,
le paysage au loin.
Santiago entre la casa Miranda et la Casa Trova
« Sur le carrelage ancien, l’histoire se raconte et se danse »
Santiago, maisons colorées où se jouent en façade
les arabesques des balcons de pierre ou de métal,
légères, toutes en ciselures.
Au sol, le carrelage déroule un tapis immense de couleurs,
formes, parfois hétéroclites.
Au mur, une guitare, elle ne joue plus de son air accordé
mais s’offre maintenant au regard.
Un cœur peint, un cœur rouge et bleu. Un cœur.
La générosité de la famille, du partage de la musique, de l’amitié,
et le rhum coulait dans les veines.
Plus tard, les lambris entourent des carrés peints au plafond.
La pièce s’étire entre ce plafond et le sol recouvert de ces carrelages
qui décidement me fascinent de plus en plus.
Là les tables avec, plus loin, les musiciens et les danseurs.
Un balcon, enfin une balconnade, tenue, retenue par des tasseaux.
Tout semble en équilibre, en suspend.
La nuit est là et l’air semble se confiner
dans cet espace du ciel et du balcon.
Juste l’air et la musique. Deux souffles.
Santiago La Maison de la Tumba
Le rythme des percussions en écho, et les rubans bleus,
blancs, rouges, tissent des entrelacs réguliers.
Et les danseurs, d’un pas répétitif glissent dessus, dessous.
Le long de la barre, l’axe, le centre, se tisse une étrange histoire.
Les costumes chamarrés tourbillonnent et se mêlent au mouvement.
Dessus, dessous, … Sous la protection de l’étoile.
Santiago à la terrasse de la maison
Le soleil est déjà levé, la lumière déjà intense.
Il fait chaud de bon matin. De la terrasse,
s’étend une partie de la ville.
Vue sur les toits, vue sur la colline,
vue sur une partie de la ville
qui se prolonge par-delà l’étendue du regard.
Et je découvre des hommes affairés en ce matin à réparer les toits.
C’est ce qui me surprend alors,
les toits abîmés par l’ouragan Sandy.
Tout autour de la terrasse, de celle ci
et des autres reliées par des escaliers en colimaçons,
la rembarde est en fer forgé, blanc.
En face aussi, la maison est sertie de fer forgé blanc.
Parfois, le métal a rouillé
et donne une impression d’abandon
sur la façade de la maison.
La ville se réveille.
Je me retourne encore une fois, Santiago est là, bien là.
Santéria au musée de Carnaval
Le soleil est là, chaud. Je ne sais pas, plus, quel jour nous sommes .
Juste là à ressentir la joie d’être au musée de carnaval, au spectacle à ciel ouvert.
Je remarque un petit autel un peu plus loin,
les musiciens, les choristes.
Et La musique commence, la danse, le rythme, tout prend espace.
Les Orishas se succèdent dans une histoire
que je ne comprends pas,
mais où la narration annonce et raconte chacun d’eux.
Elegua, rouge et noir, Chango, rouge et blanc,
Oshun, blanc et jaune, Yemaya, bleu et blanc,
Oggun, vert et Obbatalia en Blanc.
Il ya quelque chose qui vient de loin,
qui rentre à l’intérieur de soi, dans les racines de l’être,
dans des profondeurs qui m’échappent et me captent à la fois.
Un jeu des couleurs,
des symboles, tous, les uns et les autres se mêlent, s’entremêlent.
Le lendemain, nous avons descendu une rue de place de Cespedès.
Il est plus de 12 h et le soleil a une lumière intense, l’ombre rare.
Le temps est compté, nous marchons, vite.
Plus bas, nous prenons des plus petites rues.
Et là, des sortes de guérites de bois.
Des bougies, des herbes, des coqs, des objets écclectiques.
Au sol, juste en face, des pots de fleurs
en forme de hanches et fesses d’un côté
et de l’autre hanches et pubis de femmes.
Pour quels rituels vaudou, afro-cubain, …
Après le Castillo del Moro
Bleu du ciel et là se dresse fier et élancé,
avec cette élégance flamboyante, un arbre étrange.
Ses fleurs couleurs de feu tendues vers les cieux.
Siboney
Magique !
Etre aux bords de la mer des Caraïbes.
Rien que le mot est magique, Caraïbes.
L’eau chaude, si chaude, l‘écume bouillonnante,
la force de l’eau, qui se projète sur son corps.
La masse liquide contre son corps.
Je vacille.
Pendant que tout le monde est plus loin
sous les arbres à manger,
je n’arrive plus à sortir de l’eau.
C’est trop bon, jouissif dirai-je même.
En plus, une petite famille est là
et c’est le grand jeu du mime du crabe
(zut, je ne sais pas comment on dit en espagnol).
Le crabe qui rentre dans le maillot et qui….
Les enfants sont hilares, moi aussi.
Et, le grand comique vient avec le crabe pour me l’offrir ?
Sur la route entre Bayamo et Camargüey
Terre aride, le paysage scande ses sinuosités entre brun et verdure.
Palmiers, flamboyants, et des arbres que je ne connais pas.
Les maisons sont basses, colorées ou pas.
Souvent entourées d’un petit enclos.
Un moment, je ne sais plus si je suis à Maurice ou à Cuba.
Et puis, une sorte de tapis de verdure emmerge, incongru.
Un tapis de verdure drue, un tapis verdoyant,
et mes pensées rebondissent dessus.
Au carrefour, à l’entrée d’un village, les carioles stationnent,
les chevaux broutent l’herbe rare.
Parfois se sont même des buffles qui avancent paisiblement.
Une fin de journée s’égrène tout en douceur
au rythme du balancement tantôt du cheval,
tantôt du buffle,
et les roues poursuivent le roulement paisible du temps.
Ici. Entre Bayamo et Camargüey
Retour à la Havane.
Froid, ciel d’orage ou de tempête
où moutonnent d’énormes nuages noirs et gris.
L’océan est étendu de tout son long
et les vagues viennent éclabousser d’écume blanche
une colère sans retenue.
Fromager et palmier royal luttent contre le vent.
Guanabo
Le toit est un tressage régulier de branches de palmiers
glissées entre des tasseaux.
Le jeu des teintes toutes de nuances
et la géométrie simple mais belle donnent envie de s’abriter là.
La lumière solaire se donne à voir avec douceur,
feutrée par le naturel des palmes.
Autour, les chevaux, les poules et coqs,
et même des biquettes vaquent, se promènent,
ici et là, s’aventurent un peu plus sur les contre forts d’une butte.
Il n'est pas loin de 12 h, le soleil darde et tout est paisible.
Sauf nous, les humains, la musique,
résonne sur le muret de pierres sèches
qui entoure ce petit coin de paradis.
La fête des enfants
Après un instant de flottement entre eux, les parents et nous,
dans ce petit coin de paradis, on oublie, on ne peut que être ici.
Le jeu de l’élastique est lancé et la plupart s’y essaye.
Un garçon tente encore et encore des figures plus complexes.
Il est à fond.
Quant aux scoubidous, ils mêlent, bicolores,
des variations de couleurs, entre les doigts des enfants.
Sur une construction maçonnéee,
nous commençons à dessiner et colorier à la craie,
enfin des grosses craies (merci les copines), Chantal, Sabine, …
et les enfants étendent une création éclectique sur 3 pans.
Et lorsqu'il n’y aura plus de craie,
les enfants reviennent vers l’abri de palmes.
Le jour décline.
Et c’est à ce moment là que les enfants nous offrent un beau spectacle.
1830
Au bord de l’océan sombre et déchaîné,
qui éclate sur le parapet, par-delà le parapet,
et même sur la chaussée, on roule sur le Malécon.
Le ciel aussi est sombre et le coucher du soleil
éclate tel un feu céleste.
Tout ce sombre qui submerge ciel et eau.
Le soleil, une fois encore,
incendie de toute sa palette le ciel au couchant.
La ville s’étend au loin, se dresse dans le soir.
Arrivée au 1830.
La piste, la lumière, la musique, c’est la nuit.
C’est la nuit de la danse.
A la plage
Juste la mer ou l’océan, les nuances de bleus,
la succession de l’azur et de l’outremer,
parfois le turquoise, et l’écume blanche
qui vient ourler les vagues,
ces vagues salées qui parfois me submergent
et m’emportent à l’intérieur du corps de la vague.
Et puis venir, sur le sable fin, chaud, terrien,
s’étendre sous le ciel et le soleil .
Juste arrêter ou vivre pleinement le temps.
La Havane
Après la visite de la fabrique à cigares,
déambulations dans les rues, au milieu de la foule,
du tohu-bohu de fin de matinée.
Petits commerces, ventes à la sauvette,
allées ouvertes sur des installations électriques d’immeubles
à faire froid dans le dos, aux cours intérieures magnifiques,
aux jardins surprenants,
et des carrelages toujours aussi improbables.
Puis,, nous rejoignanons la rue Obispo,
partis dans les rues pietonnes,
plus touristiques jusqu’au lieu
où nous languissons de nous retrouver et déguster
un……… Mojito.
Le temps d’une petite bachata sur le trottoir,
entre les passants et les touristes.
Au Havana Club, de la cour intérieure à ciel ouvert,
direction le bar.
Au sol, et oui, encore un carrelage.
Des cannes à sucre stylisées en vert.
Dans les autres carreaux,
l’alambic en jaune et les tonneaux en rouge,
alternent avec ceux de couleur terre.
Les musiciens jouent une salsa
et nous nous lançons dans une rueda endiablée.
Jeux des lumières, des couleurs, des transparences.
Un petit air art déco entre la Havane et Santiago
Guanabo, un matin
Un matin, l’océan avait frappé encore et encore durant la nuit
et laissé là, des coquillages à foison.
Différents, pas très gros, mais si nombreux que je ne pouvais résister….
De les ramasser.
Les coquillages entre Siboney et Guanabo
Dernier soir, Guanabo.
Il fait froid ce soir. Le silence est tout autour de nous.
Avec le deuil à la mort d’Hugo Chavez, la musique est interdite.
Cette musique qui est le fond, la vie sonore, s’est tue.
En ce dernier soir à Cuba,
nous finissons par mettre quand même la musique.
Puis, la police vient et reste à boire le rhum à l’abri des regards,
à l’abri du vent aussi,
contre le parapet des escaliers qui mènent
sur la terrasse et à l’intérieur de la maison.
La musique.
Au bout de quelques goulées, de quelques verres,
de l’emprise de la musique.
Deux d’entre eux viennent jusque sur la terrasse
et nous rejoindre dans la rueda.
Une rueda avec leur costume kaki,
l’arme à la ceinture, le couvre-chef calé sur la tête,
et le sourire aux lèvres.
Dernier soir à Cuba
Dans la froide lumière de l’aéroport,
je regarde une fois encore dehors.
Le soleil décline sur la Havane.
Le temps semble se mouvoir avec des déplacements de félin,
lentement, voluptueusement, silencieusement.
Il approche, déploie son corps majestueux.
Le corps majestueux du temps.
Je suis alors en plein dans le présent du temps,
j’en ressens toutes les nuances,
et aujourd’hui encore, j’en sens l’élasticité,
j’en ressens la texture,
un peu comme en un ralenti,
chaque étape est visible dans ses émotions, ses sensations.
En moi, en ma chair, en mon âme, en mon regard intérieur,
je ressens encore.
Le jour décline vers le soir,
il est 16 h tout à l’heure, tout était paisible.
Depuis ce moment là, l’instant s’est fait à entendre le temps.
Tout est devenu magique, unique.
Etre comme une évidence sur le fil du temps.
Instant en total accord entre espace et temps.
Etre puissamment être en équilibre sur le fil du temps,
de ce qui se vit, de la vie.
Est-ce qu’au fond la mort est aussi ainsi ?
Un équilibre sur le fil entre la vie et la mort ?
Entre deux espaces et deux temps
Temps et espaces
Vie mort
Etre et être au-delà de l’être ?
Et partir
Après CUBA
Juste le bleu intense
De la lumière du ciel.
Garder le regard
Ouvert sur cet espace,
En souvenir,
Comme une ouverture sur la vie,
Sur l’instant, sur le lieu,
Dans l’azur.
Sentir toutes les couleurs,
Si improbables,
Qui n’existent pas sur ma palette.
Toutes les couleurs
Eclosent, ici,
Sur le fond du ciel.
Je retiens les visages
Sous mes paupières fermées,
De mon regard,
De ma mémoire,
A l’ntérieur de mon cœur.
Les émotions volent dans le vent
Et se réverbèrent sur l’horizon,
Entre écume et mer.
Oh Yémahà !!
*
Au fil du temps, le lien chemine,
Il est là, à son origine, à son point d’ancrage,
Ici à Cuba, lieu de sa naissance.
Le temps, la distance, semblent sans emprise
Dans son enracinement,
Il est libre et se nomme cœur.
*
Les prénoms s’envolent
De retour d’ailleurs.
Un nouveau vient,
Parfois plusieurs,
Se coller sur nos
Peaux d’âme.
Il est, ils sont,
Une identité sur notre histoire.
Un corps, un, nom, qui prend là,
Dans cet instant particulier du voyage,
A fleur d’histoire,
De soi au-delà de soi.
A fleur de peau,
A fleur de mot
Affleure sur la peau,
Les mots,
De notre voyage